« Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort », écrivait Nietzsche en 1888 dans le « Crépuscule des idoles ». Le professeur de philosophie Emmanuel Salanskis y voit l’exégèse de l’auto-dépassement de soi. C’est l’idée que l’adversité contrarie l’existence et que, pour y survivre, nous devons trouver à l’intérieur de nous-mêmes les ressources nécessaires. Tribune libre de jean Goychman

L'Histoire nous enseigne que, comme les civilisations, les ensembles humains peuvent disparaître. 

Par érosion naturelle ou bien par incapacité à résister à leurs prédateurs, les empires monarchiques ont disparu.

Les nations ne sont pas éternelles non plus. Certaines résistent mieux que d'autres et c'est souvent la volonté des peuples de ne pas se diluer dans d'autres ensembles qui s'est révélée salvatrice. Quelquefois, ce qui peut paraître comme une sorte de handicap peut, au contraire, se transformer, dans certaines circonstances, comme un atout majeur.

Le cas de l'Angleterre mérite qu'on s'y intéresse. Géographiquement, je ne choquerai personne en disant que c'est une île. Cela présente des avantages, car plus difficile à envahir. Mais cela peut présenter des inconvénients, notamment pour les acheminements de produits ou de denrées qu'il faut importer. Ce détail n'avait pas échappé à Bonaparte, qui, après avoir signé la Paix d'Amiens en 1802, assurant l'hégémonie française sur l'Europe et retrouvé les colonies, doit faire face à un nouveau conflit avec l'Angleterre. En 1806, Bonaparte, devenu entre-temps Napoléon 1er, décide le blocus continental de cette dernière. Concrètement, cela devait interdire tous les échanges commerciaux avec elle et, du moins dans l'esprit de Napoléon, devait la conduire vers une crise économique majeure, dont elle ne pourrait se remettre.


Assez curieusement, c'est l'Angleterre elle-même qui avait décidé en premier le blocus continental. Ce n'était pas la première fois qu'on utilisait une telle arme. Conscient du fait que les bateaux anglais pourraient toujours quitter leurs ports respectifs, l'idée de Napoléon était de  les empêcher de débarquer leurs marchandises dans l'Empire qui représentait presque toute l'Europe occidentale.

Certes, cela a permis à la France d'augmenter les échanges avec le reste de l'Empire, mais cela à surtout permis à l’Angleterre de développer considérablement sa marine. Le nombre de frégates anglaises à presque doublé et la flotte des navires de commerce a doublé. Les effectifs sont passé d'environ 15 000 marins à 133 000 entre 1806 et 1815. L'agriculture anglaise s'est considérablement développée ainsi que le textile. Dans le même temps, la flotte française diminuait de moitié.

Le résultat de tout ceci est que l'Angleterre, devenue la première puissance maritime mondiale, appliqua le principe du « qui tient la mer tient le monde » et devint la puissance dominante mondiale du 19ème siècle, durant ce qu'il est convenu d'appeler la « Pax Britannica »

Ce bref retour historique devrait cependant fournir un thème de réflexion à nos dirigeants européens. Sous la pression de l’État profond américain, ils se sont lancés tête baissée, dans l'application des mesures destinées à sanctionner la Russie d'être intervenue sur le sol ukrainien.

En regardant le passé récent, un train de sanctions économiques avait déjà frappé la Russie dès 2014. Cela n'a pas empêché, bien au contraire, son développement économique. Elle est devenue le premier producteur de blé, un des premiers producteurs de gaz, de pétrole, d'engrais et de bien d'autres choses encore comme l'uranium, que les États-Unis continuent d'importer.

La Russie, de par l'immensité de son territoire, possède d'énormes ressources en matières premières.

Son industrie est loin d'être négligeable et elle maîtrise la plupart des technologies. De plus, les pays européens sont probablement les plus dépendants des importations des produits énergétiques de la Russie. Les propos de Bruno Lemaire, ministre français de l'économie, disant que ces sanctions allaient « mettre la Russie à genoux » m'ont laissé dubitatif. Je crois plutôt que ces sanctions vont agir comme un aiguillon auprès du peuple russe et on peut s'attendre à ce que leur effet, non seulement reste minime, mais soit un puissant agent de développement dans les secteurs que  la Russie, par manque de nécessité, avait laissé plus ou moins de coté, ses besoins étant jusqu'alors assurés par les échanges internationaux.

On peut s'attendre à ce que la Russie réagisse de façon à assurer son autonomie dans les domaines qu'elle juge critique, mais également qu'elle développe ses échanges commerciaux et qu'elle en fasse un argument auprès des pays « pauvres » auxquels elle pourrait consentir des rabais importants dans les domaines où ses marges sont conséquentes.

Il faut se souvenir du printemps 2020 où les cours du pétrole s'étaient effondrés par manque de demande en raison de l'épidémie. La Russie avait refusé de réduire sa production car les sanctions qu'elle avait subie depuis 2014 avait considérément dévalué le rouble, et qu'elle continuait à gagner de l'argent, contrairement à tous les autres, avec un baril de pétrole à 25 dollars.

D'autant plus que le développement de ces échanges commerciaux vont rapidement affecter le dollar. Cette monnaie, domestique pour les Américains, à un besoin impératif de garder son monopole en tant que monnaie de réserve internationale. C'est ce qui lui permet d'éponger le gigantesque déficit des Etats-Unis. Or, ce monopole risque d'être rapidement remis en question.


C'est l'Europe qui risque d'être la grande perdante.

Monsieur Lemaire nous tient des propos rassurants quant à la situation de notre économie. Est-elle bien réaliste ? Les Français commencent à avoir des sérieux doutes. Rien ne semble pouvoir arrêter la montée du prix du carburant et de nombreux autres produits. La décision de L'Union Européenne de renoncer au pétrole et au gaz russe est-elle justifiée ? On peut comprendre l'aide humanitaire destinée aux Ukrainiens, mais est-ce nécessaire de se plier aux « oukazes » américains et mettre ainsi en danger notre propre économie, voire notre sécurité, en s'engageant dans un conflit qui n'est pas le nôtre ?

Comme le disait de Gaulle :« Il n'est pas de politique qui vaille, si elle n'est ancrée dans la réalité ! »

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