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Rentrée scolaire « LED ZEP » en folie

Après six ans de séjours en zone d’éducation prioritaire dans divers établissements scolaires de la banlieue parisienne, Julie envisage sa rentrée avec confiance malgré quelques aigreurs.
Mais aussi le film
Mais aussi le film "Tempête sous un crâne" : l'enseignement en ZEP comme vous ne l'avez jamais vu

Un bac S et une licence de biologie et sciences de la terre, un an de préparation et mémoire de soutenance de l’UFM en poche, Julie, jeune enseigante, voulait prendre les enfants le plus tôt possible, presque au saut du lit, au moment où, dit-elle, « on peut aider les plus défavorisés avant qu’il ne soit trop tard, c’est-à-dire des petites sections au CM2 ».

Un éléfan, ça trompe hénaurméman

À son (vaste) programme : l’apprentissage du langage, de la citoyenneté et du respect. Affectée dans un premier temps aux remplacements, Julie a jonglé une année entière entre les différentes matières avant d’affronter la seconde en compagnie de 22 moutards de dix à douze ans, issus de cités, et enrôlés volens nolens en CE2/ CM2. Un Blanc et demi en moyenne par classe, les autres Noirs ou Arabes qui ne s’aiment guère et dont les parents, le plus souvent, ne parlent qu’un français approximatif. Les pères, d’ailleurs, sont régulièrement absents, ils travaillent au pays, ayant trouvé plus commode de laisser leur famille aux bons soins de la Sécurité sociale et de l’Éducation nationale, c’est-à-dire à ceux d’une garderie gratuite. Difficile, dans ces conditions, de se faire comprendre et de justifier auprès des mères délaissées les notes désastreuses et les convocations. Pour y remédier – les notes étant désormais considérées comme « traumatisantes » – , on est passé des chiffres aux lettres, plus floues, puis des lettres aux notions vagues d’ « acquis », d’« en cours d’acquisition » ou de « non acquis » qui ne permettent de se faire qu’une idée relative du niveau réel. Quant à la réforme de l’orthographe, le fameux « éléphant » que l’on peut écrire « éléfan », ou à la nouvelle sémantique pour précieuses ridicules – le ballon défini comme « référent bondissant » – cela fait marrer Julie et la plupart de ses collègues.
 

Jets de compas et insultes

Le vieux débat sur l’éducation entre les tenants de Rabelais et ceux de Montaigne n’a plus cours ici. Il ne s’agit plus de savoir s’il faut une tête bien pleine ou bien faite, s’il faut donner le pas aux « connaissances » sur les « compétences » ou réciproquement, mettre l’accent sur le quantitatif plutôt que sur le qualitatif, il s’agit avant tout de sauver celles qui peuvent l’être encore. L’absence des moyens coercitifs traditionnels et répréhensibles (avertissements, baffes, mises à la porte etc.) l’a contrainte à improviser dans la douleur. Elle a tout vécu, Julie : les collègues en pleurs, les dépressions, les jets de compas façon javelot, la pointe en avant, les chaises qui volent, les portes qui claquent, les insultes « sale blanche », « connasse », « pouffiasse », « blonde »... mais elle s’en est sortie, moins grâce au soutien de sa hiérarchie qu’à la solidarité entre collègues, à sa niaque personnelle, à de rares arrêts de travail et à des vacances bien méritées. Au fur et à mesure des années, une petite moitié de ses élèves parvient à suivre tant bien que mal. Deux ou trois, les plus doués et les plus motivés, s’en sortiront sans doute, quelle que soit la couleur de leur peau et leur origine, n’en déplaise aux tenants de cette idée stupide qui voudrait voir dans ces particularismes une cause ethnico-biologico-génétique à l’échec scolaire. Les autres étant en difficulté dès le premier jour, nombre d’entre eux se laisseront tenter par l’argent facile mais risqué de tous les trafics.

Vive la révolution

« Et, pendant que les politiques et les administrations papotent explique Julie, tous les ans, cent-cinquante mille élèves sortent sans diplôme. Vous multipliez ce chiffre par dix ans et ça donne un million et demi de chômeurs en plus. Comment voulez-vous qu’ils s’en sortent ? On ne peut pas le nier : l’école que nous leur proposons n’est plus adaptée. C’est une école de l’échec, l’expression n’est pas de moi mais de mes collègues socialistes eux-mêmes. Il faut la réinventer. Éveiller les consciences, libérer les énergies et la créativité. Nous ne sommes pas en crise mais en mutation, et il faut que les jeunes en aient conscience, qu’ils reprennent confiance en eux, qu’ils apprennent à ne plus avoir peur de l’avenir parce que de nouvelles portes s’ouvrent. Il faut donc que l’école, faute de parvenir à se réformer depuis cinquante ans, fasse sa révolution. » Julie ne cherche ni la reconnaissance ni les honneurs. Elle se bat pour ce à quoi elle croit et elle assume.
Ainsi vont les choses dans les ZEP. Julie ne sera pas cette année encore affectée à une école « normale », car de nouveaux enseignants, adoubés par les syndicats sans lesquels rien n’est possible dans ce milieu comme jadis en URSS quand on ne possédait pas la carte du Parti, viennent d’être nommés et qu’on leur réserve les postes les moins exposés. Il ne faut pas les traumatiser... Elle continuera donc, grâce à son expérience et à sa foi, de cheminer sa vie d’enseignante qui ressemble parfois au sketch d’Anne Roumanoff qu’elle montre à ses amis en rigolant de bon cœur. Qui dira que les enseignants de ZEP ont perdu le moral et le sens de l’humour ?

Auteur : CM | 01/09/2013 | 0 commentaire
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