Combien de fois faudra-t-il dire que la guerre qui oppose l’Ukraine à la Russie ne nous concerne pas, nous les Français ? Nous n’avons aucune frontière commune, aucun litige de quelque sorte qu’il soit. De plus, aucun traité ne nous lie et l’Ukraine n’appartient ni à l’Union Européenne, ni à l’OTAN. Alors, nous dire que nous devons soutenir l’Ukraine au nom de la Liberté et de la Démocratie, c’est un peu court.

Les mouvements « tectoniques » montrent que le monde monopolaire projeté par les États-Unis va s’estomper au profit d’un monde « multipolaire » dont les pôles seront probablement les continents. Ces continents chercheront, et c’est normal, à préserver et défendre leurs intérêts. Dans ce monde géopolitique nouveau, l’Europe devra, en tant que continent, trouver sa place et défendre également les intérêts des peuples européens.

Trois continents au moins cherchent à retrouver une certaine indépendance, notamment par rapport au système financier du dollar qui, et c’est important, les a maintenu dans une dépendance marquée des États-Unis, voire même dans certains cas, dans un état proche de la vassalité.

Ces continents sont l’Asie, l’Afrique et l’Amérique du Sud. 


On aurait pu croire que l’un des objectifs de la « construction européenne » était justement d’atteindre une sorte de « masse critique » qui lui permettrait de pouvoir s’affranchir de toute ingérence extérieure et s’imposer comme « puissance d’équilibre ». Cette vision, que de Gaulle a essayé de promouvoir n’a, hélas, pu prospérer et dans de nombreux domaines, la tutelle américaine a présidé à notre destinée.

Aujourd’hui, cette tutelle, exercée au travers de l’OTAN, nous précipite dans le conflit qui oppose l’Ukraine et la Russie. A y regarder sous l’angle de l’Histoire, ce conflit tient plus de la « guerre civile » que d’autre chose. De ce point de vue, les États-Unis ne veulent pas s’engager directement dans ce qui deviendrait un affrontement entre eux et la Russie. D’un autre côté, l’Ukraine seule face à cette dernière n’a pratiquement aucune chance d’être victorieuse.

Le rééquilibrage doit donc se faire, du point de vue américain, gràce aux pays de l’Europe de l’Ouest. Peu importe la querelle sémantique sur l’état de cobelligérance ou pas, nous constatons que cet engagement est croissant dans le temps et risque de nous conduire à un affrontement avec la Russie. Quoiqu’en disent certains commentateurs, la Russie n’a jamais représenté et ne représente pas une menace pour la France.

Pourtant, nous avons mis le doigt dans un engrenage qui peut s’avérer fatal pour notre économie en appliquant les sanctions dont nous sommes, de toute évidence, les premières victimes. Globalement analysé, c’est l’Europe, et en particulier l’Europe de l’Ouest, qui va payer le plus lourd tribut.

Sur le plan énergétique, se priver du gaz et du pétrole russe pour lui substituer du pétrole et du gaz provenant de l’exploitation des schistes, exploitation que nous avons choisi de nous interdire, et payer beaucoup plus cher, revient à « se tirer une balle dans le pied »

Sur le plan du commerce international, nombre d’entreprises françaises, qui s’étaient implantées en Russie, ont dû fermer leurs établissement dans ce pays, alors qu’elles s’avéraient très rentables et participaient à rétablir la balance d’un commerce extérieur devenue « comateuse »


On peut se demander si le jeu des États-Unis, et en particulier de l’état-profond américain qui dirige depuis des décennies sa politique étrangère, n’est pas justement de nous pousser à ce choc frontal avec la Russie ? La Russie et l’Europe s’affaibliraient mutuellement, ce dont ils seraient largement bénéficiaires. Leur hantise a toujours été, depuis Bismarck, d’empêcher tout rapprochement entre l’Europe de l’Ouest (et particulièrement l’Allemagne) et la Russie et cette stratégie a toujours été une pièce maîtresse de leur politique européenne. Ainsi, vue depuis Washington, le rôle de l’OTAN est de « contenir l'extérieur et d'occuper l'intérieur » de l’Europe. 


La réorganisation mondiale risque de ramener à l’isolationnisme la nation-continent que sont les Etats-Unis. En 1963, de Gaulle avait convaincu Adenauer du peu de crédit qu’on pouvait apporter à la parole américaine en cas de risque de conflit nucléaire en Europe. Ce point était un pivot du traité de l’Élysée signé en janvier 1963, dans lequel la France proposait à l’Allemagne de lui étendre son « bouclier nucléaire » et que cette garantie était beaucoup plus solide que celle, très hypothétique selon de Gaulle, apportée par l’OTAN.

Malheureusement, les Allemands se sont « applatis » (dixit de Gaulle) devant les États-Unis et ont préféré l’OTAN pour assurer leur défense.

Est-on plus sûrs aujourd’hui qu’en cas de conflit entre l’Europe et une autre puissance nucléaire, les  Etats-Unis seraient prêts à engager leur propre survie ?

Sommes-nous également sûrs que si, comme il est prévisible, les États-Unis défendent avant tout leurs propres intérêts, cela ne se retourne pas contre nous ? Leur intérêt commande-t-il de laisser se redresser une Europe très affaiblie par leur propre politique ?

La conclusion s’impose d’elle-même : nous pouvons bien sûr aider l’Ukraine sur un plan humanitaire, mais nous avons tout à perdre en la soutenant sur le plan militaire, y compris un éloignement irréversible de la Russie vers l’Asie, ce qui pourrait faire de l’Eurasie le continent potentiellement le plus puissant de la planète, rompant ainsi définitivement un éventuel équilibre « Westphalien »

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