Les Vieilles Canailles : Dutronc-Hallyday-Mitchell

Eddy Mitchell a fait ses adieux à la scène en 2011, après cinquante ans de carrière. Il n’a pas résisté à l’appel des planches, tout comme Dutronc dont la dernière tournée date de 2010. Johnny, en revanche, est rôdé comme un sportif de haut niveau après sa tournée nord américaine au printemps.


Dès le premier titre emblématique de Jacques Dutronc Les Playboys, on est agréablement surpris d’entendre les voix si caractéristiques d’Eddy et Johnny chanter ces mots. On n’est pas prêt d’entendre Mick Jagger chanter un jour Let It Be ! La scène, sobre mais élégante, avec un bar installé sur le fond de la scène, permet à un ou deux membres du trio de s’absenter sur certaines chansons. Chacun a donc le droit à deux titres en solo, ce qui peut être assez frustrant pour les fans qui en veulent plus. Le génie du regretté Jacques Lanzmann a rendu éternel le répertoire de Dutronc. Quand il chante seul La Fille Du Père Noël ou L’opportuniste, on se rend compte à quel point ses paroles sont drôles et surtout actuelles. Comme aux grandes heures des shows télévisés de Maritie et Gilbert Carpentier, on ne se prend pas au sérieux. A une époque où tous les faits et gestes sont étudiés à la loupe, les célébrités ont toujours peur pour leur image. Les seuls artistes pouvant être totalement spontanés sont ceux qui n’ont plus rien à prouver.

Les cuivres installés à l’arrière de la scène comme un big band, donnent une esthétique très années cinquante à la soirée. La plupart des musiciens sont ceux d’Eddy Mitchell. Ils sont dirigés par le saxophoniste Michel Gaucher, qui lâche un solo magnifique sur Le Cimetière Des Éléphants. Johnny et Du tronc ont quand même demandé à leurs guitaristes respectifs, le génial Fred Chapellier et l’ex-guitar hero du groupe FFF, Yarol Poupaud, de rejoindre l’aventure. Ce dernier est le plus mobile sur la scène, alors que les trois légendes économisent un peu leurs mouvements, et se la jouent davantage crooners. Eddy nous gratifie quand même de son caractéristique pas de danse glissé sur un Lèche Botte Blues  jubilatoire, qui fait décoller l’ambiance dans Bercy. "Elle doit être bien râpée ta langue maintenant", ironise Johnny. Ils se font ensuite plaisir et célèbrent leurs idoles de jeunesse : Lonnie Donegan, Gene Vincent, et bien sûr Elvis, avec Dead Or Alive et Be Bop A Lula. Il faut avouer qu’ils sont les kings quand ils chantent en français, mais seulement des sujets de la cour quand ils chantent en anglais. Sur Gabrielle, Greg Zlap reste toujours aussi impressionnant à l’harmonica, et Johnny lâche les chevaux. On se dit qu’il pourrait partir pour deux heures de concert, avec une salle totalement acquise. Sur Quelque Chose De Tennessee, Dutronc confronté à la puissance de Johnny, devient émouvant comme rarement.
Le concert finit en apothéose sur Pas De Boogie Woogie et l’incontournable La Musique Que J’Aime. Sans doute plus personne n’atteindra ce statut, avec une telle carrière. Dans la génération suivante des Souchon Voulzy , on ne trouve pas vraiment de bête de scène. On savoure le moment en se disant qu’il ne restera pas grand monde après eux. Ils ont marqué la société et l’histoire de la chanson française d’une empreinte indélébile.