Il est pourtant possible de mettre fin à cette inflation maladive et de descendre en dessous de 50 % pour peu, comme le préconise le rapport Charpin, que l’on « maîtrise les dépenses pour revenir à l’équilibre ». Ce rapport de quarante-cinq pages, secret et explosif « qui n’a pas vocation à être publié », avait été commandé par le précédent gouvernement. Il fait aujourd’hui trembler les maroquins socialistes.
Depuis 1974 en effet, les dépenses excèdent les recettes de 9 % en moyenne, ce qui a amené le pays, quel que soit le bord de ses dirigeants, à cumuler une dette de 1 900 milliards d’€. Entre 2007 et 2012, sous Nicolas Sarkozy, les effectifs du mammouth se sont accrus, son pouvoir d’achat, entre les heures supplémentaires, les rétrocessions et les primes de fusion, a augmenté de 10 % et ses régimes spéciaux ont été préservés : même Lionel Jospin, en pleine éclaircie de croissance, n’avait pas fait mieux. Les contribuables continuent donc, malgré la réforme (RGPP) et les déclarations d’intention officielles, à en financer le déficit abyssal. Quant à François Hollande qui avait déclaré lors de sa première conférence de presse à l’Élysée : « C’est la réforme de l’État, de la protection sociale et de notre organisation territoriale qu’il faut engager ! », il avait cru bon d’ajouter : « 57 % de la richesse nationale ? C’était 52 % il y a cinq ans : est-ce que l’on vit mieux pour autant ? Est-ce que l’État est devenu plus juste, plus efficace ? Non ! Nous devrions être capables de faire mieux en dépensant moins. » Prudent, il était passé du présent au conditionnel… et s’était empressé de débloquer l’embauche des fonctionnaires qu’avait péniblement mise en place son prédécesseur. Il ne faut pas désespérer le mammouth, mais le caresser dans le sens du poil, c’est la première leçon qu’apprennent les locataires de l’Élysée, et la feuille de (dé)route que suivent à Bercy, à la Culture, rue de Grenelle ou ailleurs, tous les ministres.
Pour soigner Prosper, plutôt que de lui prescrire tout ce qu’il aime – c’est-à-dire des primes, des vacances et des carrières à l’ancienneté – il faudrait d’abord, sans procrastiner, que nos modernes diafoirus le mettent au régime minceur. L’ordonnance est simple : réduire d’un gros tiers le nombre de sénateurs, de députés et de ministres ; simplifier le mille-feuilles administratif en ramenant à seize le nombre de régions et en supprimant l’échelon départemental, comme le suggèrent Bruno Le Maire et Jacques Attali ; diminuer de 10 % les indemnités parlementaires ; passer du non-remplacement, non pas d’un fonctionnaire sur deux, mais de deux sur trois ; ramener les primes des agents du service public au niveau de 2008 ; plafonner les rémunérations à 160 000 € nets par an, soit tout de même douze fois le SMIC ; faire le ménage dans les « agences nationales » créées au petit bonheur du clientélisme ; faire passer des costkillers dans les administrations pour chasser le gaspi etc.. Et tout ceci, bien entendu, en prenant soin de ne pas reverser en douce les économies réalisées aux mêmes agents, comme en 2011, où 65 % ont été redistribuées au titre des « retours catégoriels ». À ce rythme-là, ce ne sont plus 60 milliards d’€ sur un quinquennat que l’on pourrait économiser, mais le triple...
Mission impossible ? Non, l’Allemagne de Gerhard Schröder, déclarée lanterne rouge de l’Europe en 2002, a rétabli, grâce à son action et à celle de la chancelière qui lui a succédé, sa compétitivité ; idem de la Suède de Carl Bildt qui a réformé l’administration en mettant fin, entre autres, à l’emploi à vie des fonctionnaires ; idem du Canada de Jean Chrétien, de l’Italie de Mario Monti, de la Pologne de Donald Tusk qui, elle, a connu la plus forte croissance de l’OCDE entre 2008 et 2011... Partout les mêmes recettes marchent à condition d’avoir le courage de les appliquer. Mais en France, on préfère tancer les bons élèves qui gagnent de l’argent dans le secteur concurrentiel que taper sur les doigts les cancres qui ont tendance à considérer le service public comme leur propriété privée. La Cour des comptes a beau s’égosiller, le mammouth Prosper ne veut rien entendre...
Cette exception « culturelle » française est de la faute de tout un chacun, puisque nous vivons en démocratie. Une démocratie de rentiers et de privilégiés, petits et grands, qui voient d’un mauvais œil toute espèce de changement à leurs mauvaises habitudes. Ce qui est vrai du comportement des fonctionnaires l’est aussi de celui de nombre de patrons et de syndicalistes, de taxis, d’intermittents du spectacle, de notaires, d’aiguilleurs du ciel, de pipiers de Saint-Claude ou de professions protégées par le numerus clausus et de tous ceux, particuliers ou sociétés, qui choisissent l’exil fiscal. Mais c’est aussi celle de nos chers élus qui restent cois face aux administrations qui font hurler à « la casse le service public » dès qu’il s’agit de se réorganiser. Claude Allègre, Hervé Novelli, Frédéric Mitterrand, Jack Lang, François Bayrou, Christian Sautter et bien d’autres s’y sont cassé les dents, jusqu’à Luc Chatel qui avait en son temps jugé préférable de ne pas publier les rapports sur l’absentéisme de son mammouth d’alors, et était allé même jusqu’à interdire aux profanes de les consulter !
Ceci dit, tout n’est pas perdu car il semblerait bien, si l’on en croit la parution du livre des Gracques* et les fuites dans la presse en 2012, que bon nombre de hauts fonctionnaires, de gauche en l’occurrence, lassés par la colossale inertie du pachyderme, souhaitent ramener sa réforme des calendes grecques aux calendes romaines. C’en serait fini du statut préhistorique, des syndicats qui travaillent pour leur propre compte, de l’opacité organisée des données qui empêche toute évaluation chiffrée de ses « performances », des grèves « de réveillon » qu’affectionnait tant Guillaume Pépy etc.. Pour être tout à fait à l’unisson des Anglo-Saxons, on pourrait peut-être aussi publier les salaires et les notes de frais des services...
Le mammouth a le cholestérol flamboyant et d’ici qu’on le mette à la diète, il risque de se passer encore un certain temps, le temps précisément que le « reste de la population » exige des comptes. Or, en France, comme chacun le sait, on ne réforme pas, on fait la révolution. Necker en son temps avait été démissionné par la noblesse qui défendait ses privilèges. A Bercy, les ministres se succèdent en vain au chevet de Prosper. Ca gronde déjà aux extrêmes, le chaudron commence à fumer de partout et pendant que les forces vives de la nation s’expatrient sous des cieux plus cléments, l’Éducation nationale de M. Peillon recherche frénétiquement des professeurs de scoubidous pour occuper les gamins...
* Ce qui ne peut plus durer, Albin Michel, 2011
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