Cette phrase m’a fait tressaillir. Je me posais depuis plusieurs semaines la question de la démocratie s’opposant à la souveraineté.

La foule du 30 mai 1968 était-elle légitime ?

Il y a quelques années, au cours d’un débat mettant en cause la nature de la Commission Européenne dont les membres ne sont pas élus, la notion de « démocratie transitive » avait été évoquée. Vieux souvenir de terminale, la transitivité était une des conditions de l’équivalence entre deux relations mathématiques.

Que le lecteur veuille bien me pardonner ces propos un peu abscons, que je vais tenter d’expliciter.

Prenons une relation simple : l’égalité entre deux nombres qui s’écrit: a = b.

La transitivité s’exprime ainsi :

Si a = b et que b = c, alors a= c

Autrement dit, dès lors qu’il existe une personne élue démocratiquement, elle peut, au nom de la transitivité de la démocratie, étendre celle-ci à toute nomination de personne de son choix pour occuper n’importe quel poste ou fonction.

Ce qui est très significatif, c’est d’utiliser ce genre de raisonnement purement mathématique aux principes philosophiques qui nous permettent de vivre en société, même si le transhumanisme devient à la mode  et que le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Etude du Climat) entend régler notre existence sur la foi de « modèles mathématiques » dont l’exactitude est souvent démentie par le temps. Les relations humaines ne sont ni prévisibles, ni quantifiables, malgré ce qu’en pensent certains dirigeants.


Lorsqu’en juillet 1789, à Paris, une foule en colère s’est emparée de la Bastille pour la détruire, exécutant au passage le gouverneur Jourdan de Launay, il ne fait aucun doute que cette action n’avait rien de légitime. C’est pourtant devenu le symbole de la Révolution Française dont on veut faire aujourd’hui le fondement de notre démocratie.

Dans l’histoire américaine, la révolte des colons contre l’Angleterre, qui naît le 16 décembre 1773, appelée depuis la « Boston tea party », est considérée également comme un acte fondateur de l’indépendance américaine. Au regard de la Loi, quelle légitimité a-t-elle ?

Plus récemment, les médias occidentaux ont salué comme une victoire de la démocratie les manifestations des Chinois qui protestaient contre les mesures sanitaires imposées par le gouvernement chinois. Etaient-elles légitimes ?


A écouter notre président Emmanuel Macron, le gouvernement de Vichy, obtenu après le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain, était parfaitement légitime, puisque résultant d’un vote parlementaire.

De ce fait, toutes les actions de résistances entreprises après, et ce jusqu’à la Libération étaient dès lors illégitimes. Le soulèvement de Paris en août 1944, n’était-il pas un mouvement de foule de gens aspirant à se débarrasser des occupants ?

Existe-t-il une seule révolte, voire un simple mouvement de foule, qui soit légitime ?

Et d’abord, pourquoi la légitimité ne saurait être contestée lorsqu’elle contrevient à l’aspiration d’une majorité ? Existe-t-il, oui ou non, une souveraineté populaire qui surplombe toute forme de légitimité ?

Quelque part, cela rejoint le « Je suis votre chef ! », argument définitif prononcé publiquement le 14 juillet 2017 à l’encontre du général de Villiers, alors Chef d’Etat-Major, lequel s’était simplement fait écho de la grogne des militaires devant le manque de moyens criant de nos armées.

Emmanuel Macron avait été élu à peine deux mois plus tôt et comment ne pas se remettre en mémoire les célèbres vers de Victor Hugo, tirés des « Feuilles d’Automne » ?

« Et du premier consul, déjà par maint endroit,

Le front de l’empereur brisait le masque étroit. »


Évoquer la légitimité ou l’ordre hiérarchique en place est-il une justification ou un aveu d’impuissance. Lorsque ces choses-là remplacent tout autre argument, où est le dialogue nécessaire ?

Que reste-t-il de l’élection présidentielle, vue par de Gaulle, faut-il le rappeler, comme une « rencontre entre un homme et un peuple » lorsque l’élu veut imposer ses décisions au nom de la légitimité ?

Comment le peuple qui, lui, pense que sa colère est justifiée, pourrait-il y voir autre chose que du mépris, et cette inflexibilité au nom de l’ordre établi n’est-elle pas la négation même de la volonté populaire ?

C’est tout le danger de ce qui apparaît aujourd’hui comme une sorte de « psycho-rigidité » qui peut murer un esprit dans sa propre certitude, lui interdisant ainsi toute relativisation des choses, quelque fois au prix d’une révolte dont les exactions risquent d’être beaucoup plus coûteuses que ce que l’on veut à tout prix préserver.

Jean Goychman 

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