Le football, ce jeu tellement simple qu’il n’y a pas un seul habitant sur notre planète qui n’ait un jour tapé dans une balle, une boîte cabossée, une pelote de laine, des chaussettes roulées ou autres objets arrondis, sur une pelouse, une plage, une rue, dans un bidonville, sur un stade, dans son salon, partout. Le football, ce sport tellement abordable et équitable qu’il est devenu langage universel entre les peuples, faisant sortir les soldats des tranchées en 1914, faisant rois les miséreux des favelas Brésiliens, mettant sous les projecteurs du monde combien de pays n’ayant jamais droit de citer sur la scène internationale, scellant des réconciliations. Le football, cette communauté qui réunit ceux du seuil de pauvreté à ceux des derniers étages des tours d’ivoire au sein d’une même tribune, qui fait vivre des milliers de personnes et fait quelques dizaines de millionnaires.
Ce football est malade jusqu’à la nausée de supporter des responsabilités qui n’auraient jamais dû lui incomber. Loin du jeu, le football voit ses passionnés lentement l’abandonner et céder leur place à ceux qui s’en servent comme d’un prétexte à tous les maux, à tous leurs mots.
Domenech et le paradoxe du gagnant-perdant
Revenons en France où une récente étude a laissé plus d’un analyste perplexe. Car, en terme de noms propres et de notoriété, si la première place est occupée par Nicolas Sarkozy, la seconde personne la plus connue par les Français est… Raymond Domenech ! L’homme qui a contre lui 92% du peuple Bleu-Blanc-Rouge est depuis 6 ans au centre de toutes les conversations et des polémiques. C’est notre « tête de turc » favorite. 60 millions de Français pensent être plus sympas, plus compétents, plus intelligents, que le sélectionneur de l’équipe de France. Raymond, à défaut de prendre des anti-dépresseurs, c’est un véritable remède à la médiocrité, un vrai cache-misère : si il pleut, si on n’est pas en forme, si on a perdu son boulot, c’est de sa faute, il n’avait qu’à titulariser Benzema et jouer en 4-4-2.
Raymond, il gagne et est en passe d’obtenir l’un des plus beaux palmarès à la tête des Bleus, mais les Français lui disent : « C’est pas bien, c’est pas comme ça qu’il fallait faire, t’es un con et pis c’est tout ! ». Ben oui, la France c’était quand même mieux lorsqu’elle perdait glorieusement contre l’Allemagne en 1982, ou encore lorsqu’elle restait à la maison en 1990 et 1994. Pourtant, aussi certainement que les supporters Nantais rempliront à nouveau La Baujoire pour fêter un jour la remontée, une fois passé le dépit amoureux et son lot de stupidités, les Français rempliront les bistrots en juin pour encourager l’équipe nationale. En maudissant le nom de Raymond Domenech… Bien-sûr ! Car si on gagne, ce ne sera pas grâce à lui, mais si on perd, le coupable est tout désigné.
Une non-qualification de l’équipe de France au Mondial Sud-Africain n’aurait pas été qu’une contre-performance sportive. La catastrophe économique aurait été bien plus grande. La Coupe du monde est l’événement sportif qui génère le plus d’argent sur la planète, loin devant les J.O. Pour la France, ses entreprises, son économie touristique, son prestige, c’est un mois d’exposition non-stop. Au total, ce sont des centaines d’emplois directs et indirects. Dans l’hexagone, bars, restaurants, marchands de T-Shirts et autres drapeaux ou maquillages, marchands de télés et bien d’autres se préparent à l’événement.
Et que dire de l’importance économique vital qu’ont pris certains clubs dans leur ville. A Lens, Auxerre, Guingamp, etc., une grande partie de l’économie locale est focalisée sur le club de football. Parfois, son dynamisme tient au maintien de son équipe en Ligue 1. Même dans des villes comme Marseille, l’attractivité tient aussi aux victoires de l’O.M. Combien d’emplois perdus, combien de commerces fermés lorsqu’une commune perd 30000 clients potentiels le samedi soir.
Aussi, que pèse le match de foot du dimanche dans une petite commune rurale ? Bien souvent, c’est ce qui fait tenir le café du coin, c’est la sortie hebdomadaire pour les jeunes et les anciens, c’est aussi sur le stade que l’on se parle encore entre générations. Comme une commune qui perd son école, une commune qui perd son club de foot, meurt un peu.
Le salaire des joueurs est pointé du doigt, il exacerbe les jalousies. Pourtant, les footballeurs sont loins au classement des sportifs les mieux payés. Derrière les golfeurs, les boxeurs, les pilotes de F1, les tennismens, les basketteurs, les joueurs de base-ball, les jockeys, etc., un footballeur de ligue 1 gagne en moyenne 38 000 euros par mois. Un footballeur moyen devra donc épargner quelques années avant de devenir millionnaire. Et pour quelques stars, combien de smicards ? Quel est le salaire de l’arrière latéral de Boulogne/mer ? Trop payé ? Peut-être. Chanceux sûrement de faire ce métier, assez talentueux en tout cas pour qu’un employeur lui verse ce salaire plutôt qu’au fils de la voisine. Heureux aussi que des milliers de personnes paient pour venir le voir travailler, comme les acteurs.
Aujourd’hui, les clubs de foot ne bénéficient plus du financement publique direct. Ce sont de véritables entreprises, parfois côtées en bourse. La loi du « grand capital » appliqué au ballon rond, souvent au mépris de l’esprit sportif. Certains clubs y perdent leurs âmes et leurs supporters car « bénéfice » est un mot peu ancré dans la tradition sportive. Le joueur est une marchandise, l’équipe est un stock, l’entraîneur est un directeur des ressources humaines, le public… guère plus important que de petits actionnaires dans une assemblée générale de Vivendi. Le but n’est plus de faire trembler les filets mais de vendre des maillots. Le match devient un spectacle et comme on va au cirque, on va au foot. Le problème, c’est que les ânes ne sont pas toujours sur la piste.
A faire osmose avec son environnement, il fallait bien s’attendre à ce que le football soit rapidement infecté par les problèmes de la société. De petites « bastons » champêtres aux sympathiques langages fleuris des décennies précédentes, on est passé aux déferlements de violences, de bêtises, de racismes et autres absurdités. Il n’y qu’un pas, voire qu’une jambe gangrénée que personne ne sait aujourd’hui comment couper, entre la passion et la folie.
Après avoir rempli les stades de femmes et d’enfants en 1998, les instances dirigeantes du football hexagonal ont laissé s’installer ce climat délétère. Aujourd’hui, les tribunes se vident et on comprend vite pourquoi. Le stade devient également un lieu de revendications politiques et identitaires. C’est un lieu sans foi ni loi où, quelque soit le niveau, quelque soit l’endroit, l’homme laisse sa personnalité à l’entrée pour libérer ce qu’il y a de plus vil en lui. Sorti du stade, l’homme redevient bon père de famille et s’en va gronder ses enfants lorsqu’ils ne disent pas « merci » après avoir reçu un bonbon. Un billet de match, c’est un véritable passeport pour l’impunité.
C’est aussi ça le football, un psychotrope légal qui décalque la tête. Les dieux tout puissants sont en tribunes, quant aux dieux du stade… Au mieux, ils sont prisonniers de cette situation, au pire, ils feignent de l’ignorer.
Pas besoin d’être fin psychologue pour se rendre compte de l’ampleur du problème. Il suffit de se mettre derrière la main courante, un samedi après-midi, et d’assister à un match de jeunes. Ces derniers n’ont plus aucun respect pour leurs aînés, guère plus pour les éducateurs. Des entraîneurs et des parents loin d’être toujours exemplaires… Populaire, pas cher et omniprésent, le football a trop longtemps accueilli tous les enfants abandonnés par la société moderne. Le club, c’est la garderie des temps modernes.
On voit de tout dans les stades. On recréé les beaux quartiers et la banlieue, les ghettos de toutes sortes, en une seule et même arène. On y voit des peoples qui se montrent, et des politiques en campagne. Car oui, même la politique a allègrement enfoncé les portes du stade. Là encore, on est bien loin des querelles de villages entre le club des « rouges » et l’équipe des « blancs ». Du tremplin médiatique pour Bernard Tapie à l’intrusion de Georges Frêche dans les vestiaires de Montpellier lors des dernières élections régionales, en passant par l’épisode Chirac-Jospin se disputant la gloire de la victoire en 1998, le match est devenu un meeting où l’on dévoie l’esprit même du sport.
Tel est le constat de ce sport fabuleux aujourd’hui terriblement en danger. Tels sont les arguments des bien-pensants et des moqueurs qui, au comble de l’absurdité, compare foot et rugby dans un grand élan manichéen. Le foot, c’est pas bien. Le rugby, c’est chouette… Même quand on y connaît rien ! C’est sûr, il y a aussi beaucoup moins de problème au tennis de table, question de nombre, sans doute.
Malgré tout, le football gagne toujours la partie. En terme de licenciés, de spectateurs, d’audience, de retombées économiques, aucun autre sport n’est en mesure de rivaliser. Mais il a besoin d’un nouveau souffle. En France, nombreux sont ceux qui espèrent l’organisation de l’Euro 2016. Cette manifestation permettrait de faire un peu de ménage, de rénover des stades qui ne sont plus conformes aux nouveaux standards et engendrent de l’insécurité.
Aussi, le football Français obtient des résultats internationaux presque sans précédent. Ses clubs brillent sur la scène Européenne et n’ont plus à rougir de la comparaison. Son équipe nationale s’est qualifiée pour sa 7ème grande compétition d’affilée. Aux quatre coins du pays, des villes, des clubs, des supporters résistent aux abus et continue à faire du football… Une fête.
www.media-web.fr : Flux RSS | Newsletter | Favoris | Plan du site | Liens | Contact
Réseau Media Web :
Saint Nazaire | Pornichet | La Baule | Le Pouliguen | Le Croisic | Guérande | La Turballe | Saint Brevin | Angers | Nantes | Brest